« Le mot normal était sans doute mal choisi. François Hollande, reconnaissent ses proches, ?aurait dû se contenter de sengager ?à rester simple », nous indique un docte commentateur du quinquennat.
?Sent-on toute la gravité de la chose?? Qui ne voit combien le destin de la France aura été grevé par cette tragique confusion entre normal et simple??
Or un président de la Ve République ?ne peut pas être normal, tout le monde sait ça, et voici donc M. Hollande « rattrapé par la fonction » (1). Je voudrais bien un jour percer le secret de cette singulière jouissance des médias ?à décréter un homme « rattrapé ». ?Par son passé. Par un scandale. ?Par les contraintes économiques. ?On vous annonce ça avec lexcitation ?de laficionado quand se lève lépée ?du matador. Ah, mon salaud, tu croyais ten tirer comme ça, hein?! Ni vu ?ni connu?! Eh bien te voilà rattrapé, sacripant. Rattrapé par toutes sortes ?de choses. Par limpatience des Français. Par le rapport Gallois.
Et par la fonction, donc. M.?Hollande sest jusquici montré trop effacé, jugent ceux-là mêmes qui flétrissaient lagitation urbi et orbi de son prédécesseur. Toutefois lon veut bien concéder que lévolution du comportement présidentiel «?semble plutôt tenir dun réajustement pragmatique que dun rééquilibrage anticipé?». (Ouf?! Nous voilà rassurés. Nous avons cru un instant quil sagissait dun rééquilibrage anticipé. Pas dalarme?: ce nest quun réajustement pragmatique. Nuance.)
Moi, jaurais une autre proposition ?à faire?: ce serait de lui ficher la paix, ?à ce pauvre Hollande. Car en somme, par quoi est-on jamais «?rattrapé?», sinon par les médias eux-mêmes (ce qui expliquerait leur goût pour tant de rattrapages)?? ?Pour le reste, on pouvait bien se douter quil ferait, en gros, ce quil fait, ni plus ?ni moins. Cest-à-dire quil travaille ?le vocabulaire, lui aussi?: il naugmente ?pas la TVA, il la réajuste. Quant au coût ?du travail, «?ce nest pas tout, mais ?cest tout sauf rien?!?». Puis il donne ?20 centimes aux smicards et 20 milliards aux entreprises. Cela sappelle être socialiste, et ça dure à peu près depuis ?le congrès de Tours, en 1920. Cest peut-être par ça quil a été rattrapé, notre président. Mais les Français napprennent plus leur histoire, cest bien regrettable.
(1) Peu importe évidemment dans quel organe ?de presse jai pêché ces citations. On voit bien quelles pourraient figurer nimporte où.
François Taillandier, l'Humanité