Après quelques semaines de concertation la réforme des rythmes scolaires va se mettre en place, sous forme de décrets, dès la rentrée 2013 pour les communes qui le souhaitent, à la rentrée 2014 pour toutes les autres.


Resituer la question dans le contexte général :


Les rythmes scolaires sont le cache-sexe toujours convoqué qui masque le refus de transformer une institution qui produit un échec scolaire socialement ségrégatif. Mais cette question ne peut être résolue que dans le cadre d’un projet politique clairement affiché, après que soient travaillés les contenus de savoirs à transmettre, une formation des maîtres qui soit véritablement professionnelle et interroge la question de la transmission en lien avec les travaux de la recherche universitaire et pédagogique. Ce n’est donc en aucun cas une urgence, et encore moins la question centrale pour une véritable refondation, d’autant moins que les réponses apportées doivent être des réponses nationales et non au gré des décisions politiques des municipalités, au regard de leurs choix ou de leurs budgets, très inégaux.


Idéologie


A travers les rythmes, est perpétuée une idéologie puissante dans tous les milieux, qui de l’égalité des chances au handicap socio-culturel, perpétue de fait une école à deux vitesses. L’échec scolaire des enfants des classes populaires n’est pas soluble dans les rythmes car, comme l’ennui à l’école, y compris des meilleurs, il n’est pas un phénomène biologique : aucune étude ne démontre l’influence directe des rythmes scolaires sur les résultats. Mieux encore réussissent le mieux ceux qui, issus de milieux socio-culturels dits favorisés, ont des emplois du temps particulièrement chargés en dehors de l’école. La logique des rythmes c’est l’individualisation des apprentissages et des cursus, au nom d’un bon sens qui n’est qu’apparent. Le vrai défi c’est de donner à tous les moyens de réussir car tous en sont capables. L’insistance sur les rythmes c’est aussi l’adaptation aux besoins supposés des élèves, le contraire même de la fonction de l‘école qui à travers les apprentissages participe au développement de tous.

Derrière les changements d’horaires, se dessine également une vision très inquiétante de la culture, cloisonnée en « fondamentaux » et disciplines qui pourraient s’inscrire hors l’école. Or faire du vélo à l’école et faire du vélo au centre aéré ne relève pas de la même activité car les finalités en sont fort différentes.


Eduquer à l’école


Si l’éducation d’un enfant ne se réduit pas aux apprentissages scolaires, l’école est cependant la seule institution qui a pour fonction sociale de transmettre un patrimoine culturel, hérité de l’histoire de l’humanité. C’est aussi le lieu qui engage dans un nouveau rapport au monde où il ne s’agit plus seulement de vivre des situations mais de les analyser, les modéliser pour construire son autonomie intellectuelle, s’émanciper de ses actes et de origines.


Education hors l’école


À travers cette refonte des rythmes, le gouvernement cherche à obtenir une implication plus grande des collectivités locales, sans rien préciser des financements qui pourraient rééquilibrer les inégalités territoriales. En articulation avec l’acte?III de la décentralisation, le risque est grand de se diriger vers un service public plus municipal que national. Avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir en termes de politique scolaire et de creusement des inégalités. En effet de nombreuses collectivités territoriales ne pourront faire face à la situation créée et, soit ne proposeront pas de prise en charge des enfants, soit feront appel au privé, ou encore multiplieront des petits boulots, précaires, sous-payés et peu qualifiés, donc féminins en grande majorité. Les espaces d’animation se verraient détournés de leur vraie mission, en jouant le rôle d’école par défaut.