Une proposition de loi déposée par des députés UMP, dont le député-maire de Villeneuve-le-Roi Monsieur Didier Gonzalès puis lannonce dune commission ministérielle mise en place par Madame Nathalie Kociuszko Morizet, sont venues successivement jeter le trouble sur lavenir de laéroport dOrly.
De toute évidence, ces manuvres sont menées à court terme à des fins électoralistes.LUMP est inquiète pour lavenir de certains sièges de députés détenus dans le Val-de-Marne et dans lEssonne. Dans ce contexte, faire croire que lon pourrait un jour déménager laéroport dOrly est une proposition séduisante qui espère tromper des électeurs riverains et alimente le fonds de commerce électoral de certains parlementaires qui ont fait de laffrontement avec le pôle aéroportuaire leur credo.
Cest évidemment une illusion dans un proche avenir, car déplacer une plate-forme aéroportuaire comme Orly est incompatible avec les capacités financières actuelles de lEtat, et pose un très sérieux problème daménagement du territoire mettant en jeu des dizaines de milliers demplois, des ressources considérables pour nos communes et le devenir de tout un bassin de vie qui sest structuré autour de laéroport.En raison de leur caractère démagogique et électoraliste, et en raison de leur irréalisme, les pseudo-propositions visant à déménager Orly ne peuvent donc quêtre rejetées et condamnées.
Toutefois, on peut se demander si derrière ce rideau de fumée ne se cache pas une stratégie plus machiavélique, visant à enfermer Orly dans une dangereuse alternative : ou bien le déplafonnement, ou bien le déménagement-privatisation.
En effet, dune part une manipulation de chiffres inscrite dans le préambule de la proposition de loi et répétée à la presse par Monsieur Jacques-Alain Bénisti, député-maire de Villiers-sur-Marne, tend à faire croire quOrly devrait absorber 200 000 mouvements supplémentaires dans les prochaines décennies. Cette affirmation est sans fondement car elle ne repose sur aucune donnée sérieuse ; de plus, elle fait limpasse sur le fait que laéroport dOrly est plafonné à 250 000 créneaux, et non à 450 000 !
Est-ce à dire que dans certains cénacles, on envisagerait la possibilité de déplafonner Orly ?Si un tel plan existe, il convient de mettre en garde ceux qui limaginent : les associations de riverains et les élus des deux départements feront tout ce qui est possible pour sopposer à un tel scénario, et pour faire prévaloir dautres solutions permettant de faire face à la croissance du trafic aérien : augmentation de lemport minimum des avions, transfert de trafic de laérien vers le TGV grâce au projet dinterconnexion prévu à Orly, redéploiement des vols moyens et longs courriers sur les aéroports de province qui disposent de réserves de capacité (ex : Lyon Saint-Exupéry).
Mais un autre scénario pourrait également être envisagé en haut lieu : la création dun aéroport privé prenant progressivement le relais dOrly.Il sagirait dans ce cas de reproduire dans le bassin parisien le scénario de laéroport de Nantes, dévolu à un grand groupe multinational, avec toutefois de substantielles aides de lEtat. Cest peut-être ce quentend Madame Kociuszko Morizet par « étudier toutes les hypothèses » dans le cadre de la commission quelle veut créer.Si ce projet existe, disons-le tout net : lappétit de profit des grands groupes privés ne saurait servir de tremplin à un « déménagement du territoire » qui laisserait derrière lui des milliers de chômeurs et des friches industrielles, alors même que les perspectives de développement du pôle dOrly nont jamais été aussi fortes : mise en place dune Opération dIntérêt National sur les 12 communes de Seine amont et du pôle dOrly en Val-de-Marne, développement des transports collectifs (tramway, métro, RER, TGV, tram-train), implantations de nombreuses entreprises françaises et étrangères, création de milliers de logements et déquipements collectifs, possibilité dimplantation du grand stade de la Fédération française de rugby, etc.
Ceux qui saviseraient de sengager dans pareille voie doivent sattendre à une mobilisation considérable de toutes les forces du territoire pour défendre la gestion publique dun transport aérien sûr et maîtrisé dans lespace francilien, pour défendre lavenir des 150 000 emplois du bassin dOrly et des centaines dentreprises dont lavenir est lié à la plate-forme.
Dans limmédiat, il importe que le Premier Ministre indique clairement si il a confié une mission de cette nature à la Ministre de lenvironnement, et il importe également que le Président de la République fasse la clarté sur linformation parue dans la presse selon laquelle toute cette affaire serait menée sous la conduite de lun de ses conseillers. Le silence vaudra évidemment approbation.
Lidée saugrenue de déménager Orly sappuie sur une autre illusion : celle que lon pourrait développer un aéroport à lextérieur de son marché et à distance de la ville métropolitaine dans laquelle nous vivons.Toute lexpérience passée montre que les aéroports des grandes métropoles européennes sont au contact de la ville, ou sont rattrapés un jour ou lautre par la ville. Ou cela se fait, comme à Roissy, ou cela ne se fait pas, et cest lexemple catastrophique de Malpensa près de Milan, qui a emporté dans un formidable gâchis de ressources la compagnie nationale italienne elle-même.
Lavenir du transport aérien est à la responsabilité et la régulation publiques, en France et en Europe.Cet avenir doit inséparablement concilier le développement des déplacements de toute nature, le développement économique utile à la société et lamélioration du cadre de vie en poursuivant les recherches pour des avions moins bruyants et moins polluants, en améliorant les dispositifs de protection et dindemnisation à linsonorisation pour les riverains, en construisant un nouveau modèle urbain qui placerait les habitants et leurs besoins au cur des stratégies daménagement, et non le profit spéculatif.Ce sont de tels objectifs que contient la charte de développement durable du pôle dOrly, élaborée au sein dassises pluralistes qui réunissent depuis plusieurs années à linvitation des conseils généraux du Val-de-Marne et de lEssonne les élus des deux départements, les associations de riverains, les syndicats de salariés, les acteurs économiques du territoire, et les spécialistes les plus sérieux du transport aérien.
Il est dailleurs remarquable de constater que linitiative des 61 députés UMP et de la Ministre de lenvironnement intervient au moment même où ladoption de cette charte de développement durable est mise à lordre du jour des assemblées élues, et a été adoptée à lunanimité au Conseil général du Val-de-Marne. Quel singulier mépris pour ce formidable effort de création collective et pour cet exemplaire exercice démocratique !
Lavenir est aussi à lintervention citoyenne.Il nest pas fatal que de petites manuvres politiciennes à courte vue hypothèquent la gestion responsable de notre vie quotidienne, de notre environnement et de notre territoire. Il nest pas fatal non plus que les intérêts privés et la loi de largent lemportent sur lintérêt général.
Ensemble, comme nous lavons déjà fait pour obtenir le couvre-feu et le plafonnement, pour empêcher la spécialisation de laéroport, pour obtenir lélargissement de laide à linsonorisation, pour sauvegarder à Orly loutil industriel dAir France, pour obtenir le développement des transports collectifs facteur de développement économique et demploi, pour faire reconnaître le pôle dOrly et ses formidables potentialités au sein de la métropole parisienne, nous disposons de la force et des capacités de rassemblement nécessaires pour ouvrir un avenir de progrès à nos communes, notre territoire du « Grand Orly », nos populations et notre jeunesse.
A la démolition de notre territoire, opposons une perspective positive, citoyenne, partagée et responsable de son évolution pour y mieux vivre, non pas contre laéroport dOrly, mais grâce à latout irremplaçable quil constitue pour longtemps encore.
Sylvie Altman, Maire de Villeneuve-Saint-Georges, Conseillère régionale dIle-de-France, Membre du Bureau de Paris Métropole
Christian Hervy, Maire de Chevilly-Larue, Conseiller général délégué
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