Lu dans lHumanité du 28 novembre 2011
Comment contrer la volonté européenne de privatiser totalement le secteur ferroviaire?? Le double langage, ça suffit!
Par Didier Le Reste, ancien Secrétaire Général de la Fédération CGT des cheminots (2000-2010), Animateur du Front des luttes du Front de Gauche.
Le 16 novembre dernier, le Parlement européen, réuni en séance plénière, était consulté sur la « refonte du premier paquet ferroviaire » (ensemble de directives et de textes ). Malgré les diverses mobilisations des cheminots, avec ETF (Fédération européenne de syndicats des transports), il sest trouvé une majorité de députés pour pousser plus loin les feux de la libéralisation du rail.
Seul le groupe GUE-NGL (Gauche unitaire européenne ), dont les députés PCF-PG français, a voté contre. Les députés français de droite et du Parti socialiste ont voté pour, les députés Verts se sont abstenus. Le résultat de ce vote suscite, et pour cause, incompréhension, déception et colère chez les cheminots et leurs représentants syndicaux.
Le Parlement européen accentue donc son choix dogmatique en matière de modèle de développement par le renforcement de la concurrence, le démantèlement des entreprises historiques de chemin de fer, en offrant aux opérateurs privés la possibilité de venir faire du business, du fric, sur le réseau ferré national au détriment de lintérêt général.
Certains, pour tenter dexpliquer leur vote, parlent dun compromis mais de quoi parlent-ils lorsque lon mandate la Commission européenne pour quelle prépare pour 2012 un texte législatif sur la libéralisation totale du trafic national de voyageurs et la séparation (désimbrication ) complète de la gestion de linfrastructure de celle de lexploitation? ? Naurait-on tiré aucune leçon de ce qui sest passé en Angleterre avec la privatisation de British Rail et ses conséquences dramatiques? ?
Comment peut-on en France sopposer à louverture à la concurrence des TER, comme le font, avec dautres élus, et cest tout à leur honneur, des responsables socialistes au travers dinstances comme lARF, le Gart et, dans le même temps, voter avec la droite réactionnaire au Parlement européen pour plus de libéralisation, conduisant à terme à des privatisations? ?
Il nest pas surprenant quavec de tels positionnements le monde du travail se méfie du politique en sabstenant majoritairement lors des consultations électorales. Quand on est de gauche, attaché au service public et à son développement, conscient des dégâts quont déjà causés les politiques de libéralisation-privatisation (exemple? : casse de Fret SNCF), on vote contre et on se bat pour construire un autre avenir? !
Le vote intervenu au Parlement européen est dautant plus dangereux quil va renforcer en France les velléités des « pilotes », à forte tendance libérale, des commissions de travail des assises du ferroviaire initiées par le gouvernement depuis mi-septembre 2011. Ce nest pas le débat public attendu, la pertinence de louverture à la concurrence nest jamais posée et lenjeu du service public nest pas abordé.
Les conclusions semblent écrites davance, la concurrence est présentée comme inévitable tout comme la casse du statut des cheminots, qui est « clairement un sujet de discussion » comme la déclaré à la presse la ministre de lÉcologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, confiant en ce sens une mission au Conseil dÉtat? !
À ce stade de mon propos, je veux exprimer mon profond désaccord avec Gilles Savary, ancien député socialiste européen qui, dans le cadre du groupe de travail quil anime, veut faire dater louverture à la concurrence des TER, celle des trains Corail, et propose que lon sengage sur la généralisation de cette concurrence.
Jespère que la conjonction des luttes sociales et des actions citoyennes pourra stopper ces chantres du libéralisme. À ce titre, saluons la création, ce samedi 26 novembre 2011, de la Convergence nationale des collectifs pour un service public ferroviaire de qualité, qui va permettre, entre autres, de fédérer les luttes et de peser plus fort sur les décideurs politiques.
La veille de larrivée sur le rail français du premier train privé de voyageurs entre la France et lItalie, que la direction de la SNCF a dailleurs favorisé, le Front de gauche, à linitiative de la commission transports du PCF, organise un débat à Paris le 10 décembre 2011. Celui-ci, réunissant élus, syndicats, associations dusagers , réaffirmera lopposition résolue à la privatisation des chemins de fer et fournira loccasion de décliner les axes dune véritable politique alternative de gauche.
À linstar de la proposition de loi portant sur le financement des infrastructures de transport déposée par les sénateurs PCF-PG le 18 octobre 2011, seront mis en avant? : la réunification du système (suppression de RFF ), la maîtrise publique des choix dinvestissements et de financements, le développement du fret, la tarification accessible, le renforcement des moyens humains et matériels, le report modal, la multimodalité, la coopération