Débat d’orientation budgétaire du CG91

Le 12 décembre se tenait au Conseil général le débat d'orientation budgétaire fixant les grandes priorités politiques de la collectivité pour 2012.

 

Pour la majorité PS et son Président J.Guedj, le budget 2012 sera marqué par

« une maîtrise plus forte du fonctionnement de la collectivité et à un redéploiement des politiques publiques »,

« la consolidation du niveau d’épargne brute et de la capacité de désendettement ».


Nous voilà avertis, la majorité PS comme son candidat à la présidentielle F.Hollande veut "donner du sens à la rigueur"!

 

La droite départementale a noté la reprise en main « responsable » du département , allant jusqu'à déclarer au Président  par la voix  D. Echaroux conseiller général d’opposition « Allez-vous être le premier président à proposer un budget de droite ? »

 

La seule voix discordante et de résistance a été celle de Marjolaine Rauze , conseillère générale, maire de Morsang sur orge, Présidente du groupe des élus du Front de Gauche.

 

Voici son intervention :

 

Monsieur le Président, cher-e-s collègues,

 

L’histoire des civilisations n’est pas avare de mensonges et de mystifications de tous ordres pour faire accepter aux peuples les guerres, les sacrifices et les injustices, pour le plus grand profit des puissants.

La période que nous vivons en est une nouvelle illustration. Nul ne peut dire si elle n’en sera pas une des plus dramatiques.

En effet, nous vivons une opération de manipulation d’une extraordinaire ampleur, visant à faire croire au peuple qu’à vouloir vivre mieux, il a inconsidérément dépensé sans compter, vivant tellement au-dessus de ses moyens qu’il a creusé une dette si colossale que seule une austérité drastique pourrait permettre d’échapper à la ruine.

 

QUE DE MENSONGES !

 

MENSONGE que de faire croire aux salariés qu’ils ne travaillent pas assez. Jamais la productivité n’a été aussi élevée, mais jamais la part des richesses créées accaparée par le capital n’a été aussi grande. Ainsi, en 2010, en pleine crise, la France est au 2ème rang européen, juste après le Luxembourg, pour les versements de dividendes, soit 210 milliards.

L’INSEE vient de révéler que les 10% des ménages les plus riches disposent d’un patrimoine 205 FOIS SUPERIEUR à celui des 10% les plus pauvres, un rapport EN AUGMENTATION DE PRES D’UN TIERS DEPUIS 2004 !

Et quand les 1% les plus riches détiennent 17% du patrimoine total, quand les 10% les plus riches en détiennent 48%, les 50% les moins bien lotis ne possèdent à eux tous que 7% du patrimoine.

 

MENSONGE que de faire croire que les marchés financiers seraient la « main invisible » qui régulerait et rappellerait à l’ordre les Etats et les peuples trop dispendieux. La réalité, c’est l’hyper concentration du capital dans les mains de 200 000 personnes dans le monde.

Trois chercheurs américains ont dressé la carte de la détention du capital, passant au crible plus de 40 000 multinationales. Résultat : un nœud de 147 sociétés contrôle tout, et parmi elles le gratin de l’assurance, de la banque et de la finance française, AXA, Natixis, la Société Générale, BNP-Paribas, ou les Caisses d’Epargne.

Et « Les Echos », journal qui ne passe pas pour être le porte-parole du Front de Gauche, nous révèle que les 400 plus grandes de ces sociétés capitalistes se sont constitués dans la crise des « coussins de sécurité » de 3 000 MILLIARDS DE DOLLARS. En France, les seuls profits du CAC 40 sont de plus de 80 milliards d’€, le coût des cadeaux fiscaux de plus de 150 milliards, le montant des exonérations de cotisations sociales de plus de 30 milliards. Et ce sont eux qui demandent aux peuples toujours plus de sacrifices !?!

 

MENSONGE aussi que de prétendre sauver le malade à coups de saignées. Oui, des dépenses publiques peuvent être très avantageusement réduites, comme les 12 milliards de la loi TEPA, les 22 milliards de la niche Copé, les 4 milliards de crédit d’impôt-recherche, les 1,8 milliard de la réforme de l’ISF. Ou encore les dépenses de guerre, qui pour la seule présence française en Afghanistan, se montent à près de 1 MILLION 300 000 € PAR JOUR !

Mais s’attaquer aux dépenses utiles que sont la formation, l’éducation, la recherche, la santé, les dépenses de protection sociale, c’est au contraire casser tous les ressorts de la réponse aux besoins humains et par là même casser les ressorts de l’activité et du développement. On le voit en Grèce, la purge qui lui est imposée a conduit à la fermeture d’une PME sur trois en un an : belle preuve d’efficacité pour sortir un pays de la crise que de détruire son potentiel de création de richesses et d’emplois ! Comment s’étonner que sa dette s’envole de plus belle ?

 

MENSONGE encore que de faire passer les services publics et parmi eux ceux des collectivités locales pour, au mieux un luxe qui dépasserait nos moyens face à la crise, au pire des gabegies insolentes.

Non, les services publics, les salaires des fonctionnaires, ne sont pas un luxe insupportable pour les budgets publics. D’abord parce que l’ensemble des rémunérations des agents des trois versants de la Fonction publique ne représentait en 2008 que 12,8% du PIB, soit le même niveau qu’en 1980 !

Ensuite parce que les dépenses publiques, dont les rémunérations des fonctionnaires, loin d’être un prélèvement sur la richesse créée, sont au contraire une contribution à la création de richesse collective. Eduquer les enfants, soigner les malades, transporter les personnes, construire les équipements sportifs, culturels, d’enseignement ou de recherche, contribue à la satisfaction des besoins indispensables des citoyens et, directement ou indirectement, à la création de richesses par les entreprises.

Etrangler encore plus les ressources des collectivités, vouloir les contraindre à une RGPP locale, notamment à une réduction de leurs effectifs, c’est réduire délibérément leur intervention auprès des populations ; c’est réduire la part du secteur public dans l’économie et ouvrir de nouveaux marchés concurrentiels aggravant encore les inégalités territoriales et sociales.

 

MENSONGE que de nous faire croire que la dette serait celle des peuples, alors même que cette crise financière, l’importance de la dette publique, ne sont le résultat que de choix politiques, qui ont fait de la Banque Centrale Européenne une structure « indépendante » et interdite par traité de toute monétarisation de dettes publiques.

Sans parler du rôle inique des agences de notation qui, quand elles décident de dégrader les notes, permettent aux apporteurs de fonds, banques, assurances, fonds de pension… d’augmenter considérablement les taux d’intérêt, aggravant mécaniquement la dette publique et pesant lourdement sur les finances publiques, dont celles des collectivités territoriales.

Car ce qui guide les puissants qui nous gouvernent dans cette Union européenne, c’est uniquement le marché, la concurrence libre et non faussée, le profit.

 

Et regardons les conséquences antidémocratiques qui en découlent avec les changements de gouvernement imposés sans vote en 2011 à l’Irlande, à la Grèce et à l’Italie. Ils révèlent deux choses :

 

- tout d’abord, la consanguinité du personnel politique européen et du personnel des banques et des marchés, passant sans vergogne de la direction de Goldman-Sachs à celle du gouvernement italien, en passant par le poste de Commissaire européen à la Concurrence, à l’image de Mario Monti. Ou de Goldman-Sachs à la Présidence de la BCE comme Mario Draghi. Autant demandé au renard de surveiller le poulailler !

 

- Mais plus grave encore, c’est la possibilité désormais offerte aux spéculateurs de choisir les gouvernants à la place du vote des électeurs. « Une dictature de fait », selon les termes de Jean-Pierre Joyet, ancien Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes de Nicolas Sarkozy et actuel Président de l’Autorité des marchés financiers. Et qui conduit à une incroyable et odieuse cohabitation gouvernementale entre socialistes, droite et extrême droite comme en Grèce !

 

Alors, mes cher-e-s collègues, construire le budget de notre collectivité doit être dans ce contexte, tant un acte d’ambition qu’un acte de résistance.

 

Plusieurs schémas ambitieux ont été adoptés par notre Assemblée, d’autres vont l’être prochainement.

 

Mais plusieurs points figurant dans le rapport d’orientation budgétaire méritent d’être soulignés et éclaircis.

Au titre des nouvelles ambitions de la majorité figure à juste titre celle de l’éducation. Compétence obligatoire du Département, elle constitue une priorité indiscutable pour le groupe Front de Gauche. Le développement des ENT ou la réflexion sur une meilleure liaison entre le primaire et le collège recueillent notre assentiment. En revanche, si les tergiversations de l’Education nationale privent depuis trop d’années l’Essonne des internats publics nécessaire, accepter la logique de l’internat d’excellence n’est pas la réponse attendue pour la réussite de tous. De la même façon, nous ne pourrions nous retrouver dans un dispositif s’apparentant de près ou de loin à la logique de l’accompagnement éducatif mis en place à grand renfort de publicité par le gouvernement Sarkozy et qui a lamentablement échoué.

 

Le rapport souligne l’importance du service public départemental et la volonté du nouvel exécutif de travailler à son développement et à l’amélioration des conditions de travail des agents. Cela passe par un certain nombre de dispositions matérielles, comme les travaux sur notre patrimoine ou l’amélioration de l’action sociale. Mais cela demande tout autant de s’atteler à une remise en question sérieuse des conceptions du « management » et de ses dérives, qui au fil des années ont imprégné bon nombre de collectivités, dont la nôtre, contribuant à perdre de vue le sens et la finalité du service public et à dégrader le dialogue social et les relations humaines.

 

S’interroger sur les choix de dépenses de notre collectivité, c’est aussi pour notre groupe, réitérer notre demande d’un débat digne de ce nom sur notre engagement dans le champ de l’activité économique, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Une demande que nous formulons sans succès depuis 2005, avec pour toute réponse l’an dernier un défilé des structures aidées venues nous dire tout le bien qu’elles pensaient de nos subventions : le contraire eut été étonnant ! Il y a pourtant lieu de s’interroger quand la Cour des Comptes souligne « le bilan bien décevant » des aides des collectivités. Ou quand des entreprises comme Alcatel, Sagem ou Thalès, émargeant toutes à un titre ou à un autre à Optic’Valley, à Systém@tic ou à d’autres pôles de compétitivité, conjuguent allègrement profits records et plans sociaux.

 

Je l’ai dit, le service public, et plus particulièrement le service public local mérite toute notre attention, et d’autant plus dans cette période. Car il est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas ou si peu.

 

C’est pourquoi procéder à « une maîtrise plus forte du fonctionnement de la collectivité et à un redéploiement des politiques publiques », comme il est écrit dans le rapport d’orientation budgétaire, n’est pas un titre de gloire. C’est le résultat d’une contrainte, qui n’est pas sans conséquence sur les populations essonniennes et sur les agents du service public départemental.

 

De la même façon, dans nos rapports aux collectivités, aux associations et aux essonniens, nous devons chercher à privilégier ce qui relève réellement de l’intérêt commun plutôt que de céder aux sirènes de dispositifs individuels, supposés plus propices à la communication, mais qui au final, contribueraient à fragiliser le service public.

 

C’est aussi pourquoi le groupe Front de Gauche, parce qu’il a le souci de la bonne gestion des deniers publics, ne peut souscrire à l’idée que « la consolidation du niveau d’épargne brute et de la capacité de désendettement » doivent être vus comme un « objectif premier ». Parce que chacun sait, sauf les adeptes des partenariats public-privé, que l’investissement public, réalisé par les collectivités pour répondre aux besoins humains, est par définition un investissement de long terme, répondant aux besoins de plusieurs générations.

 

C’est aussi à cela que les tenants des marchés financiers cherchent à nous soumettre et qu’il faut contester.

 

Tout nous appelle donc à leur résister, sur tous les terrains.

 

2012 en sera une occasion que nombre de peuples européens vont sans nul doute nous envier.