Dans un document confidentiel, que lHumanité sest procuré, trois inspecteurs généraux de léducation nationale critiquent ouvertement les effets des restrictions budgétaires.
Cette fois, les critiques viennent du ministère lui-même ! Dans un rapport sur la préparation de la rentrée scolaire 2010, que lHumanité sest procuré (cliquez ), trois inspecteurs généraux dressent un panorama inquiétant de la situation dans léducation nationale. Et ne cachent pas leur scepticisme quant à la politique de restriction menée ces dernières années.
Remises en juillet dernier au cabinet du ministre, les 45 pages du document sont riches denseignement. Un peu trop même, a dû penser Luc Chatel qui, allez savoir pourquoi, na pas jugé bon de les rendre publiques...
Il faut dire que lintitulé du premier chapitre ferait désordre en conférence de presse : "Les restrictions budgétaires (...) vont créer des tensions et préparent assez peu lavenir", écrivent sans ambages les trois inspecteurs qui rappellent que, "dans le cadre du budget triennal voté par le Parlement", 16 000 emplois disparaîtront chaque année entre 2011 et 2013.
Dès cette année, soulignent les hauts fonctionnaires, la rentrée dans le second degré sannonçait comme un sacré casse-tête, sachant que "les recteurs devaient accueillir 25 000 élèves en plus avec léquivalent de trois ou quatre mille emplois en moins". Comment ladministration a-t-elle réussi ce tour de force ? Principalement en faisant "payer la facture" à certains collèges, où le taux dencadrement a été "dégradé", ou en supprimant des "emplois de remplacement".
31% de vacataires en plus par rapport à 2008-2009!
Cette question du remplacement des enseignants "interpelle" particulièrement les auteurs du rapport qui jugent ce choix budgétaire "partiellement insincère et coûteux", les rectorats multipliant les recours à des vacataires pour boucher les trous (+ 31 % par rapport à lannée 2008-2009 !), creusant ainsi "le déficit de masse salariale". Les inspecteurs généraux sont par ailleurs très sceptiques sur lidée de Luc Chatel qui entend régler le problème du remplacement en faisant appel aux étudiants vacataires et aux néoretraités de léducation. Exemple au rectorat de Paris : "Les courriers adressés pour les inviter à faire acte de candidature ont remporté un succès quon peut qualifié de modéré : quelques réponses chez les étudiants, une seule chez les retraités."
Autre partie fort instructive : les inspecteurs généraux décrivent une situation particulièrement rude dans ladministration où les budgets opérationnels (BOP) "senfoncent dans le rouge" et où les petites mains sont plus que jamais sous tension. "Les services administratifs (...) sont sollicités au-delà du raisonnable ; lampleur des réformes à mettre en place, la notion durgence qui est omniprésente, la succession denquêtes à retourner au plus vite (...), ce fonctionnement les expose à un niveau de risque qui ne peut plus être méconnu." Cela na, semble-t-il, pas ému Luc Chatel qui nen a pas pipé mot lors de sa conférence de presse de rentrée.
Cest ce silence, dailleurs, qui choque le plus Stéphane Bonnéry, chercheur et responsable du Réseau école du PCF. "Depuis Xavier Darcos, le ministère a pris lhabitude de laisser au secret tous ces rapports. Il y a un déni de démocratie auquel il faut mettre fin."
Laurent Mouloud
L'Humanité du 10 septembre 2010