Nous avons, je le crois, bien travaillé et amélioré le projet très attendu intitulé « Reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages », d'abord en commission, puis en séance. Répond-il à tous nos vœux ?

Evidemment non. Mais il faut dire que le fait de traiter les sujets sur le fond, l'ouverture d'esprit de Madame la Ministre qui accepte les amendements venus de tous les bancs et qui a fait remplacer, à notre demande, les ordonnances par des articles, le même état d'esprit de notre rapporteur, du président et des membres de la commission ont été favorables à un bon débat parlementaire.

Et il est dommage que certains de nos collègues se soient limités à un seul angle de vue. Nos
connaissances progressent et, avec elles, l'attention de nos concitoyens sur l'importance de favoriser la biodiversité en évitant, d'abord, de détruire les écosystèmes. Nous avons le devoir, nous parlementaires, d'entendre cette aspiration de la société.

Que savons-nous ?

La biodiversité est foisonnante. Le vivant est un tout et l'Humanité en est une composante. C'est la raison pour laquelle :

- Nous saluons la nouvelle définition de la biodiversité comme un système vivant, dynamique et interactif.

- Nous approuvons la création des deux instances différentes et complémentaires que sont l'Agence Française pour la Biodiversité terrestre, aquatique et marine et le Comité National de la Biodiversité.

- Nous souhaitons, à défaut d'une intégration, un rapprochement de l'ONCFS avec l'Agence pour une approche pluridisciplinaire, pour une meilleure cohérence des expertises, des stratégies, des missions et de la police.

- Nous demandons que les salariés soient pleinement associés et valorisés par la possibilité d'une intégration au statut. Un personnel motivé est indispensable à la réussite du projet.

- Nous soulevons à nouveau la question des moyens. Les ressources additionnées des structures existantes ne suffiront pas. Et les prélèvements sur les fonds de roulement des agences de l'eau doivent cesser.

- Nous réaffirmons la pertinence du principe de solidarité écologique.

- Nous voulons que le niveau départemental soit considéré comme une contribution essentielle pour un travail de proximité.

- Nous avons apporté notre soutien à la ratification du protocole de Nagoya proposé par Madame la Ministre ainsi qu'à l'élargissement aux milieux aquatiques et marins du champ d'intervention.

La lutte pour préserver cette biodiversité est un long combat. Ce projet de loi est une étape importante.

- Nous sommes satisfaits de l'adoption d'amendements de notre groupe. Nous portons l'idée forte qu'il faut préserver la planète des matières plastiques, et particulièrement les océans. Vous avez accepté notre amendement interdisant les cotons- tiges composés d'une tige plastique, mais vous avez finalement été défavorables à l'interdiction des microbilles dans les produits d'hygiène, d'entretien et cosmétiques.

Nous le regrettons et nous y reviendrons. Certes, cela bouscule les producteurs. Mais, déjà, les Etats-Unis vont vers l'interdiction dès 2018. Ceux qui anticiperont sur ce sujet seront, in fine, les gagnants de demain. Nous devrons aussi revenir sur la question de l'interdiction du chalutage en eau profonde.

- Nous saluons l'engagement des associations qui pourront agir en cas de manquement à des obligations environnementales, suite à l'adoption de l'un de nos amendements. Elles ont un rôle moteur dans notre société.

- Nousregrettonsquel'horizonpourl'interdictiondes néonicotinoïdes soit 2018 et non 2016 comme nous le demandions. C'est trop tard.

Nul ne peut et ne doit s'approprier le vivant. C'est pourtant la tendance aujourd'hui. Certaines firmes y voient de nouvelles promesses de profit. C'est la raison pour laquelle cette loi doit acter fortement la position de la France dans ce domaine. Notre pays doit porter cette conviction dans les instances européennes et mondiales.

L'une des grandes avancées de ce projet de loi est sans aucun doute la prise de position de l'ensemble du Sénat sur la non-brevetabilité du vivant. Nous avons inscrit dans la loi le principe de l'interdiction du brevet sur tout ou partie de plantes ou d'animaux issus de procédés essentiellement biologiques, ainsi que sur leurs gènes natifs. Nous espérons que les députés confirmeront cette avancée. Il s'agit ni plus ni moins d'éviter une privatisation des ressources naturelles.

Vous avez apporté, Madame la Ministre, votre appui en indiquant qu'il serait cohérent d'étendre les obligations de traçabilité des OGM aux produits issus de nouvelles techniques de modification génétique pour une meilleure traçabilité de ces produits. Et nous attendons avec impatience la communication de l'Union Européenne à ce sujet.

Nous regrettons que ne soient pas interdites les plantes devenues tolérantes aux herbicides par mutagénèse.

Par contre, nous approuvons la ratification du protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques, qui garantit un partage juste et équilibré des avantages y afférant et des savoirs traditionnels autochtones.

Enfin, nous voulons exprimer notre total désaccord avec le principe des réserves d'actifs naturels. Si la loi établit explicitement la hiérarchie ERC (Eviter Réduire Compenser), ce dont nous nous réjouissons, la possibilité de compenser à travers le financement de réserves d'actifs naturels crée de fait un marché financier. Aujourd'hui, c'est la CDC qui en est l'opérateur principal, mais demain ? Si, et je l'admets, cela peut permettre d'assurer une compensation de
qualité par des opérateurs compétents, on introduit l'idée que tout se vaut, ce qui est fondamentalement une faute en termes de biodiversité. Il n'existe pas d'équivalence écologique. C'est regarder le vivant sous le prisme du marché qui n'est pas un prisme à proprement parler économique, mais bien une vision financière qui poussera, comme à chaque fois, à rentabiliser, c'est-à-dire à rechercher le profit au détriment de l'objet principal, à savoir protéger la biodiversité.

Nous formons le vœu que les députés respectent ce travail et que la deuxième lecture permettra un approfondissement et non un détricotage sous les coups des intérêts de certains au détriment de l'intérêt général. Malgré nos réserves, et elles ne sont pas mineures, notre groupe prend acte de l'importance de valider les nombreuses avancées contenues dans ce texte. Il approuvera donc ce projet de loi tel qu'il est aujourd'hui, en formulant un deuxième vœu : que la loi soit rapidement inscrite à l'ordre du jour pour la deuxième lecture, pour une application le plus tôt possible dès la fin de 2016. Je vous remercie de votre attention.

Billet original sur Senat Groupe CRC