Lors du congrès départemental de la FSU, Michel Billout est intervenu en ouverture. Il a ainsi pu rappeler son attachement et l'importance sociale des services publics. De nombreux défis vont être à révéler dans les mois à venir.

Discours introduction congrès départemental de la FSU

Nangis 21 et 22 janvier 2016

Madame la secrétaire départementale,
Mesdames, Messieurs, chers amis, chers collègues, chers camarades

je tenais tout d'abord à vous remercier pour cette invitation. Je pense que les valeurs défendues au travers du service public sont indispensables pour la cohésion de notre société. Et malheureusement dans le contexte actuel, il est plus que jamais essentiel de maintenir un service public de haute qualité, particulièrement dans le domaine de l'éducation, de la recherche, de la culture, des sports, de la santé, de la justice, des collectivités territoriales.

Non, il n'y a pas trop de fonctionnaires, il suffit de regarder comment fonctionnent nos hôpitaux, nos écoles, les services déconcentrés de l'État, les collectivités... Nous avons des personnels qui dans leur grande majorité ont un réel sens du service public et sont affligés de voir qu'aujourd'hui on on leur refuse les moyens nécessaires pour accomplir pleinement leurs missions. Et je ne parle pas de la valorisation salariale, les traitements sont toujours gelés, à quand une véritable revalorisation du point d'indice...

Les services publics vont mal, les collectivités vont mal, notre pays va mal. Je ne vais pas me lancer dans une liste à la Prévert mais prendre simplement l'exemple de la réforme territoriale en cours. Nous sommes en plein paradoxe. Ceux qui ont porté la décentralisation de nos institutions et de leurs compétences pendant plus de 30 ans sont les mêmes qui recentralisent à tout va aujourd'hui. Tout l'arsenal législatif déployé dans la précipitation à travers la loi relative à la délimitation des régions , la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles et la loi portant sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République auxquelles je me suis opposé contribue au même objectif : créer des collectivités toujours plus grandes, avec des compétences spécifiques qui limitent considérablement les solidarités entre elles.

Si je pense que s'il est nécessaire de faire évoluer nos institutions, ce n'est pas en éloignant toujours plus les citoyens des lieux de décisions, en limitant la proximité des services publics, que nous y arriverons.

Avec les superrégions, la spécialisation des compétences, le transfert d'autres, notamment des communes vers les intercommunalités, les agents territoriaux s'inquiètent de leur devenir et ils ont raison.

Depuis quelques années tout bouge en permanence. Comment est-il possible pour eux, pour nous élus aussi, de travailler sereinement à développer des projets d'intérêt général. Comment est-il possible de se projeter dans l'avenir, pour les agents, les collectivités, de le préparer quand le périmètre de votre intercommunalité ne cesse d'évoluer ou que l'on intègre de force votre commune dans une communauté d'agglo de plus de 300 000 habitants, que vous ne connaissez pplus les compétences que vous exercerez demain ni avec quels moyens budgétaires ?
Oui, les défis à relever pour les élus et agents de la fonction publique vont être nombreux dans les mois à venir et je ne crains qu'il faudra faire preuve d'une grande ingéniosité pour palier les grandes carences de ces réformes idéologiques.

Malheureusement cette situation n'est pas propre à la fonction publique territoriale. Je ne parlerai pas trop longuement de l'éducation devant le principal syndicat de l'éducation, mais la situation est également très grave. Rythmes scolaires, réforme du collège, éducation prioritaire au rabais, nombre de postes encore insuffisant et bien évidemment la formation des enseignants encore carante.

Et contrairement à certains de mes collègues dans l'hémicycle, comme M Longuet, qui a déposé un amendement visant à diminuer les crédits de la mission en supprimant des créations de postes de stagiaires et en prévoyant le non remplacement d'un départ à la retraite sur deux dans le second degré, non, je ne pense pas qu'il y ait trop d'enseignants.
Ce « dogme » a déjà sévi sous le précédent quinquennat et il a abouti à la suppression de 80 000 postes ! Et je n'ai pas le souvenir que les traitements des enseignants aient été alors significativement améliorés ! Pire, en guise de « revalorisation » du métier, ce gouvernement avait supprimé la formation initiale !Car oui, il faut recruter et former davantage les enseignants. Et aller bien au-delà de ce que le gouvernement fait aujourd'hui.

Nous le voyons tout particulièrement dans notre département dans le 1er degré, vous m'en avez même alerté, je vous ai transmis mon interpellation de la ministre ; je n'y reviens donc pas.

C'est pourtant en investissant dans l'éducation et dans son service public que notre Nation réussira à relever des défis à venir. Car, oui l'éducation est bien une des clef essentielle au développement de tout peuple.

Notre pays traverse une période compliquée, j'ai lu que l'un des thème de votre congrès national abordera justement l'urgence démocratique et qu'il consacrera des « zooms » aux questions de l'extrême droite et à la laïcité.

C'est pourquoi je veux insister sur ce projet de loi constitutionnelle emblématique dit « de protection de la Nation », que je considère à la fois inutile pour notre sécurité et grave pour la République.

Inutile, car la déchéance de nationalité ne peut en rien contribuer à la lutte contre le terrorisme.
En effet, comment peut-on raisonnablement croire qu'un terroriste prêt à sacrifier sa propre vie, renoncera à commettre un attentat en raison du risque d'être déchu de la nationalité française ?
D'ailleurs, le Premier ministre qualifie lui-même cette mesure de « hautement symbolique » dont « l'efficacité n'est pas l'enjeu premier ».

Alors, quel est le but poursuivi ?

De plus, le texte du projet de loi en évoquant les auteurs de « crimes très graves » est flou et ouvre la porte à toutes les dérives sécuritaires. Cela peut être un outil dangereux entre les main de dirigeants ou de dirigeantes faisant peu de cas des Droits de l'Homme.

Enfin, la déchéance de nationalité serait d'autant plus choquante qu'elle ne concernerait que les bi-nationaux, introduisant une inacceptable inégalité de traitement entre les citoyens de notre pays, selon qu'ils sont nés Français ou nés Français avec une deuxième nationalité faisant ainsi d'emblée peser sur ces derniers, une suspicion en concordance avec l'idéologie d'extrême droite qui distingue les « Français de souche » et les autres.

C'est pourquoi je m'opposerai à ce projet de réforme inutile et, je le répète, dangereux.
Il s'agit bien là d'une disposition contraire au principe d'égalité qui fonde notre République et qui honore le pays des droits de l'Homme.

Or, ce n'est pas en remettant en cause les principes fondamentaux de liberté, d'égalité et de fraternité que nous surmonterons les problèmes auxquels nous sommes confrontés.

Je souhaite qu'en 2016, l'éducation, la culture, la justice sociale et donc le "mieux vivre ensemble" soit au cœur de toutes les politiques publiques, celles de l'État bien-sûr, mais aussi celles de nos collectivités locales et de l'action citoyenne.

Je vous souhaite à toutes et à tous un bon congrès, qu'il soit riche en échanges et en propositions, et comme le mois de janvier n'est pas encore terminé permettez-moi de vous présenter mes meilleurs vœux pour une belle année 2016.

Je vous remercie.

Billet original sur Senat Groupe CRC