L'émotion suscitée par les attaques barbares subies par notre pays, il y a tout juste un an, et à nouveau, il y a deux mois à peine est immense. Chacun-e d'entre nous restera longtemps et profondément marqué-e, meurtri-e.
Alors que cette tragédie devrait appeler à plus de cohésion sociale, les réponses apportées ou envisagées par le Président de la République et le gouvernement sont en train de diviser.

1. L'Etat d'urgence : Si sa déclaration était bien évidemment nécessaire aux lendemains des attentats de novembre, sa prolongation jusqu'à fin février, a soulevé bien des questions et des inquiétudes.

Pour ma part, en tant que Sénatrice communiste, je me suis abstenue sur ce projet de loi, convaincue que l'on assisterait à des dérives, en matière de respect des libertés individuelles. Les chiffres concernant les assignations à résidence ou bien les perquisitions confirment malheureusement ces abus.

Une nouvelle prolongation au-delà de février, pour combattre le terrorisme, ne me semble ni justifiée ni efficace. L'état d'urgence ne peut être permanent sous peine de mettre en péril la démocratie, de remettre en cause les fondements de notre République. Si état d'urgence il doit y avoir, ce doit être un état d'urgence SOCIAL. J'appelle d'ailleurs les forces vives qui s'opposent à cette prolongation à se mobiliser en sa faveur.

2. La déchéance de nationalité : Après avoir affirmé que seuls les binationaux seraient concernés par cette mesure, entrainant une stigmatisation supplémentaire contre ces concitoyen-es, et une rupture flagrante d'égalité, valeur fondamentale de notre République, le gouvernement a envisagé, d'étendre cette déchéance également aux citoyens français, reconnus coupables de crimes terroristes.

Chaque jour, des déclarations contradictoires sont faites par des membres du gouvernement, dont le premier ministre, Manuel Valls. Preuve supplémentaire qu'aucune de ces deux pistes n'est acceptable. D'un côté, nous aurions une discrimination insupportable, de l'autre, des situations d'apatridie, contraires à la déclaration universelle des droits de l'homme, qui exige un droit à la nationalité.
Je considère que cela constituerait une attaque politique grave contre notre devise nationale et les valeurs que nous portons. Il est de notre responsabilité de nous y opposer et de dénoncer les menaces que cela comporte.

De plus, comment ne pas s'interroger sur l'inefficacité et l'inutilité quasi-avérées de cette disposition pour lutter contre le terrorisme ? Quel sens donné à une telle mesure ? On décide qu'aucun terroriste n'a le droit d'être Français et que l'on renvoie à d'autres pays la responsabilité d'isoler des individus dangereux ? Comment penser un seul instant que cette mesure ‘'symbolique'' puisse être dissuasive pour des individus déterminés à commettre le pire ?

Alors que le peuple doit être uni, il est en train d'être divisé, et le temps accaparé par ce débat devrait être plutôt mis à profit pour, d'une part, accroitre nos moyens d'actions pour démanteler les réseaux djihadistes, et d'autre part, mener un travail d'éducation et de sensibilisation, auprès d'une partie de la jeunesse en perte de repères et d'espoir.

C'est pour toutes ces raisons, que je voterai contre ce projet de loi de révision constitutionnelle lorsqu'il sera soumis à l'examen de la Haute-Assemblée.
En ce début d'année 2016, je formule le vœu que nous puissions ensemble faire triompher des solutions dignes et rassembleuses pour faire face aux défis auxquels nous sommes tous et toutes confrontées.

Billet original sur Senat Groupe CRC