Tribune parue dans le n°97 d'Initiatives.

Alors que 2016 marquera les 30 ans du baccalauréat professionnel, cette filière d'enseignement est toujours en mal de revalorisation. Et le projet de loi finances pour 2016 n'est guère ambitieux pour ces élèves. Les crédits pédagogiques baissent pour la deuxième année consécutive, malgré des prévisions d'effectifs d'élèves à la hausse ; la réforme de la taxe d'apprentissage a impacté les capacités pédagogiques de certains lycées. Dans le même temps, le budget consacré à l'apprentissage est, lui, stable alors que le nombre d'apprentis ne cesse de diminuer dans les niveaux 4 et 5.

C'est pourquoi à l'occasion du débat budgétaire, j'ai interpellé le gouvernement afin qu'il s'engage à donner réellement à l'enseignement professionnel les moyens de sa revalorisation. La ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche a certes lancé « cinq grands chantiers » : assurer une meilleure adéquation entre la cartographie des filières de la voie professionnelle et l'évolution des métiers qui composent ces filières à l'horizon de dix ou quinze ans, rendre les passerelles effectives (…). Et des annonces seront faites à l'occasion des 30 ans du bac pro, début 2016. Or, une question reste éludée : celle des capacités réelles d'accueil des élèves, car c'est la question de l'affectation qui demeure un moment pourtant crucial de l'orientation des élèves. Nous savons ainsi qu'une partie du décrochage dans la filière professionnelle est liée au fait que nombre d'élèves n'obtiennent pas l'affectation demandée, faute de places suffisantes.

Il serait donc nécessaire de réaliser un bilan national sur l'affectation et la réalisation des vœux des élèves et engager ainsi une réflexion sur les critères de sélection. Ce bilan pourrait être un point de départ pour la conception de cartes des formations mieux équilibrées. Car, que constate-t-on sur le terrain ? Dans certains secteurs, les élèves n'ont tout simplement plus la possibilité de choisir entre apprentissage et statut scolaires ; faute de présence du second. Ce dogme de « l'apprentissage » doit être discuté, d'autant que le taux de réussite aux diplômes est bien meilleur sous statut scolaire : l'écart de réussite au CAP est de 9 points en faveur du statut scolaire et de 20 points pour le bac pro.

Et le ministère prévoit que cet écart va encore se creuser de 4 points par an jusqu'en 2017 ! La loi de refondation sur l'école a créé un droit au retour en formation sous statut scolaire, mais il est fonction du nombre de places disponibles. Or l'évolution de la carte des formations affiche un statu quo en terme de fermeture et d'ouverture de classes, malgré des besoins non satisfaits par exemple dans les métiers de bouche. Concernant la formation initiale des professeurs des lycées professionnels (PLP), en 2014 60 % des stagiaires étaient à temps plein devant les élèves et ils sont encore 40 % à l'être cette année alors que la réforme prévoit normalement qu'ils exercent seulement à mi-temps. De plus, la réforme du master reste un problème pour les PLP notamment dans les filières où ce diplôme n'existe tout simplement pas.

Quant à la réforme du bac pro en 3 ans, sur laquelle il aurait fallu revenir, elle ne répond pas globalement aux objectifs qui lui avaient été assignés : les élèves qui réussissent à décrocher leur bac peinent dans la poursuite d'études et ceux qui éprouvent des difficultés auraient besoin de plus de temps. Or, la voie professionnelle, comme les autres filières, est confrontée à la nécessité d'une élévation des niveaux de connaissances et de qualification.

Billet original sur Senat Groupe CRC