index.jpegpar Marie France Beaufils

Nous présentons aujourd'hui notre loi permettant de « maintenir et de développer sur l'ensemble du territoire national, une offre de transport ferroviaire régional de qualité. »
Celle-ci nous semble particulièrement utile et opportune, alors que la COP 21 se clôture demain.

En effet, la communauté internationale déclare vouloir agir sur le climat afin de préserver l'existence même de l'humanité. Il nous semble donc plus que nécessaire de passer des paroles aux actes.

Nous savons que le secteur des transports est particulièrement émissif, à hauteur de 27% des émissions globales de gaz à effet de serre, comme l'a rappelé Mme la Ministre. La puissance publique dispose alors d'une responsabilité particulière en matière de report modal, afin de favoriser le rail moins émissif que la route.

A titre d'exemple, la région Centre, traversée par huit autoroutes concentre des trafics de transports routiers importants, internationaux pour moitié d'entre eux. L'agglomération de Tours est particulièrement touchée avec une fréquence de 65000 véhicules/jour.
Je vous rappelle que cette pollution pour la nation a été chiffrée à 100 milliards d'euros par an.

94% du tonnage du trafic régional de marchandises passe par la route. Le ratio rail/route dans notre région est de 6,2 % et continue de baisser. Nous devons tirer les enseignements de tous ces chiffres catastrophiques pour notre environnement.
Ils nous montrent que les orientations prises pour le transport de marchandises ne doivent pas se reproduire pour le transport de voyageurs.

C'est ce à quoi s'emploie cette proposition de loi.

Premièrement, nous prenons acte aujourd'hui que ce sont les régions, et plus encore depuis la loi NOTR, qui sont l'échelon de référence en matière de politique de transport de personnes, hors offre TGV et transport urbain.

Depuis 2002, les régions assument cette compétence pour les transports d'intérêt régional, soit principalement les trains express régionaux (TER). L'expérience est favorable, la fréquence n'a cessé d'être renforcée et les usagers ont été de plus en plus nombreux. Dans ma région, le nombre de voyageurs par km a progressé de 16% entre 2005 et 2012. Il y a aujourd'hui 86 voyageurs par train en moyenne dans notre région contre 71 au niveau national. Fin 2013, ce sont plus de 19 millions de voyageurs qui profitent des TER.

Cet engagement a nécessité et nécessite toujours des budgets conséquents. La région Centre, par exemple, y consacre 19% de son budget. Ce chiffre correspond à la moyenne nationale.

Or, les régions dépendent, pour la quasi-totalité de leurs ressources, des moyens que l'État consent à leur attribuer, moyens qui diminuent dans le cadre des politiques d'austérité initiées par la droite, poursuivies et amplifiées par le gouvernement actuel.
La compensation financière liée au transfert de charge n'a jamais été à la hauteur. Si l'Etat compense à hauteur de 2 milliards les régions, celles-ci dépensent 3,6 milliards. L'écart est important.

Il est particulièrement incohérent de promouvoir plus de décentralisation et d'octroyer toujours moins de ressources aux collectivités pour assumer de nouvelles compétences.
Le respect de la démocratie passe donc par un arrêt des politiques de réduction des dotations aux collectivités.

Cela passe aussi par la nécessité de développer de nouvelles sources de financements des transports, au lieu de les amputer, comme le gouvernement vient de le faire au travers la loi de finances en relevant les seuils d'assujettissement au versement transport.

De plus, nous estimons que le financement de ce service public par l'Etat est fondamental. Le service public ferroviaire est par nature un service public national qui répond à un droit fondamental de nos concitoyens, le droit à la mobilité.
Ce droit conditionne l'accès à un emploi, aux soins, à la culture, à l'éducation. L'Etat doit donc le garantir y compris au travers son contrat d'objectif avec la SNCF.

L'Etat doit aussi s'engager pour que le réseau ferroviaire soit efficient, ce qui suppose la reprise de la dette ferroviaire et la sanctuarisation des ressources de l'AFITF.
Le maillage de l'ensemble du territoire, acquis des politiques de service public menée depuis des décennies, est un atout indéniable, mais il est aujourd'hui en danger. Ce qui conduit d'ailleurs, les régions à prendre de nouvelles responsabilités, en lieu et place de l'Etat. Je prendrai un exemple : notre région est intervenue pour la modernisation de la ligne Tours Chinon. Celle-ci est financée à hauteur de 12 millions d'euros par la région, de 3 millions par RFF et seulement d'un million d'euro par l'Etat. No comment.

Au-delà de ces considérations nationales, notre proposition de loi s'attèle plus précisément à donner des moyens nouveaux aux régions pour les transports d'intérêt régional. Nous proposons ainsi l'instauration d'un versement transport régional.
Je rappelle ainsi que les régions sont actuellement les seules autorités organisatrices qui ne perçoivent pas de versement transport. Les collectivités situées en périmètre urbain en bénéficient, tout comme la région Ile de France qui dispose d'un régime spécifique. Il faut mettre fin à cette injustice.

Il semble également opportun que l'ensemble des entreprises, qui bénéficient pour leurs salariés et leurs clients de bonnes conditions de mobilité, s'engagent au financement. Il faut cesser avec le discours libéral qui fait de l'imposition des entreprises, un frein à l'économie. Les entreprises bénéficient des services publics, il est donc normal qu'elles y contribuent.

D'autant que des salariés utilisant le transport public ferroviaire dans leur relation domicile-travail, ce sont des personnels plus disponibles à leur poste de travail (la NR en a fait un très bon reportage dernièrement).

Cet engagement n'apparaît pas non plus excessif en sachant que la montée en puissance du CICE se traduira par une réduction d'impôt de 20,3 milliards d'euros en 2017.

Cela pèsera donc sur les recettes de l'Etat et, par conséquent, sur les ménages et les collectivités.

À travers la mise en place d'un versement transport régional, les régions bénéficieraient d'une ressource propre, pérenne et dynamique, permettant d'engager le nécessaire renouvellement du matériel ferroviaire et d'améliorer l'offre de transport collectif.
C'est une proposition qui va dans le sens de la transition écologique puisqu'elle permet de maintenir une politique ferroviaire régionale, comme alternative à la voiture.
Concrètement, le versement transport régional que nous proposons, pourra être porté à un taux régional plafonné à 0,3 %, sur les zones hors ressort territorial de l'autorité organisatrice de mobilité (ex-PTU). Un taux additionnel dans le ressort territorial de l'autorité organisatrice de mobilité, serait quant à lui, plafonné à 0,2 %.

Lors de la discussion sur le projet de loi ferroviaire, une autre version de ce versement transport avait été adoptée : un versement interstitiel à hauteur de 0,55% permettant de générer 450 millions de ressources. Le Gouvernement a fait le choix de supprimer cette mesure dans la loi de finances 2015.

Le choix d'une taxe additionnelle, plutôt qu'interstitielle, avec des taux adaptés et faibles, permet d'assurer la péréquation nécessaire au niveau de l'ensemble d'un même territoire régional, bénéficiant d'une offre cohérente et interconnectée, la région étant cheffe de file de l'intermodalité.

Le versement transport régional serait mis en œuvre par délibération du conseil régional et la ressource potentielle s'élèverait à un plus de 700 millions d'euros !

Nous proposons également par l'article 3 de revenir pour les transports publics urbains et interurbains de voyageurs au taux dévolu aux produits de première nécessité, soit 5,5 %, compte tenu de leur rôle social essentiel et de leur contribution à la réalisation des objectifs de transition énergétique. Ce taux à 5,5% existait jusqu'en 2011. Il a été porté à 7% en loi de finances rectificative 2011, puis augmenté en 2012 à 10%. Revenir à la fiscalité de 2011 ne serait que justice.

Cette baisse de TVA serait bénéfique pour l'ensemble des autorités organisatrices, qui ont ainsi perdu près de 220 millions. Elles pourraient faire le choix d'en faire bénéficier les usagers, ou alors d'utiliser ces sommes pour régénérer le matériel ou améliorer l'offre.
Pour conforter ces mesures et la politique ferroviaire régionale, nous proposons la suppression de l'ouverture à la concurrence de lignes d'autocars interurbaines régulières. En effet, nous considérons que cette libéralisation porte un coup brutal aux politiques régionales, en organisant une concurrence frontale avec l'offre ferroviaire, et donc menaçant directement l'équilibre déjà précaire de ces lignes.

Il est fort à craindre qu'un mouvement s'engage et que de nombreuses lignes TER soient remplacées par des bus. Mais pour quel service ? Un exemple : le 1er décembre dernier un des premiers OUIBUS est annoncé à 15 h 30 pour Poitiers puis Bordeaux. Cela coûte 5 euros pour aller de Tours à Poitiers. Ce car arrive vers 16H15 mais comme il est parti depuis 4 heures, de Paris, l'A6 et l'A6 bis étant saturée, une pause est nécessaire pour le chauffeur… Le bus ne repartira de Tours qu'après 17 h, un quart d'heure après l'heure prévue de son arrivée à Poitiers. Un moyen de transport pour les pauvres a dit le Ministre M. Macron. Ce n'est pas cela pour nous ni le droit à la mobilité, ni la transition écologique et encore moins un aménagement harmonieux du territoire.

L'avenir pour nos territoires, ce n'est pas la concurrence débridée, mais bien la coopération, la complémentarité et la solidarité, pour répondre aux besoins humains.
Un avenir ferroviaire dans notre pays est nécessaire pour des raisons écologiques et structurelles d'aménagement de territoire, cette loi l'encourage. Voilà mes chers collègues, les éléments que je souhaitais vous présenter.

Billet original sur Senat Groupe CRC