Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi de rappeler, en préambule, à M. Zocchetto, qui a évoqué les alliances en vue du second tour des élections régionales, que l'essence même du parti communiste français, depuis sa création, c'est le combat contre le capitalisme et le fascisme. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Christian Cambon. Et les goulags ? (Mme Éliane Assassi s'exclame.)

M. Thierry Foucaud. Nous voici parvenus, mes chers collègues, au terme de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, et on se souviendra des circonstances tout à fait particulières qui l'ont marqué.

Ce texte, qui, à l'origine, contenait peu d'aspérités, s'est retrouvé « coincé », en quelque sorte, par les plus terribles attentats que notre pays ait connus. Il aura malheureusement fallu ces attaques terroristes pour que soit remis en question le dogme de la baisse des dépenses et des effectifs publics. Les dégâts provoqués par le chômage de masse, l'urgente transition énergétique ou encore la nécessité de faire face à la crise des réfugiés n'avaient pas jusqu'à présent permis une telle remise en cause.

Cette crise doit donc sonner le glas de la politique d'austérité qui enferme l'Europe dans la stagnation économique et menace la cohésion sociale. La réponse immédiate aux besoins de sécurité de nos concitoyens doit cependant être l'occasion d'ouvrir – et d'ouvrir en grand ! – un véritable débat sur la dépense publique en ce qu'elle a de déterminant pour la vie économique et sociale de la nation.

Agir contre le terrorisme et préserver notre peuple des dangers qui viendraient à le menacer nécessitent d'appliquer sans faiblir le principe de précaution, lequel appelle à repenser l'action publique à tous les niveaux.

Nous avons ainsi besoin d'une dépense publique renforcée dans le domaine de l'éducation, afin de lutter contre l'échec scolaire. Comme la précarité, le chômage et l'absence de perspectives, l'échec scolaire nourrit la désocialisation, la colère, la déculturation.

« Ouvrez des écoles, vous fermerez des prisons. » : c'est ainsi que Victor Hugo avait en son temps résumé la nécessité de l'éducation et de l'instruction publiques. Cela reste vrai aujourd'hui. L'éducation est la mission cardinale de l'État !

Une politique audacieuse doit également être menée en matière de logement, d'emploi, de santé publique.

M. Bruno Sido. Avec quel argent ?

M. Thierry Foucaud. Il faut faire en sorte que chacun puisse trouver sa place dans la société, apporter sa sensibilité et son originalité, fût-ce pour changer l'ordre des choses par ailleurs, en lieu et place de la véritable « machine à exclure », qui continue de diviser. Cela demande des efforts à la collectivité et lui impose des objectifs sans commune mesure avec tout ce qui a pu se faire jusqu'à présent.

Surtout, mes chers collègues, nous devons abandonner le cadrage budgétaire européen, dont les limites viennent d'être démontrées. Il ne permet pas en effet de répondre aux défis du temps et aux besoins de la société. À cet égard, comment ne pas rappeler la lourde responsabilité des gouvernements qui se sont succédé au cours de ces dix dernières années, qui ont tout fait, j'y insiste, pour enterrer le vote des Français contre l'Europe libérale en 2005 ?

Il est temps – il est plus que temps ! – d'agir pour la santé publique, le développement des activités culturelles, le logement social, l'emploi.

C'est ce message que nous retenons de dimanche dernier : pas plus d'un électeur sur quatre n'a voté pour l'un des deux partis politiques qui conduisent depuis fort longtemps les affaires du pays.

Nous ne vous cacherons pas notre inquiétude face à la cristallisation et à l'influence des idées de division, de régression sociale et de chaos soutenues aujourd'hui par les six millions d'électeurs du Front national. Mais c'est bel et bien la somme des déceptions, des attentes non satisfaites, des limites imposées à la démocratie, …

M. Bruno Sido. À cause de qui ?

M. Thierry Foucaud. … dans la société ou l'entreprise, qui, au-delà du vote pour un parti de division, nourrit une abstention toujours aussi forte.

M. Hubert Falco. Qui est au pouvoir ?

M. Thierry Foucaud. Notre système politique traverse une crise durable. Comment pourrait-il d'ailleurs en être autrement ?

Quelles mesures ont été prises alors que notre PIB est à la peine, que le CICE n'entraîne pas de redressement sensible de la production industrielle, que le pouvoir d'achat est en berne, que l'immobilier, qui semblait se redresser, subit de nouveau un coup de frein, que l'activité du secteur automobile, même si ce dernier connaît une petite reprise, reste inférieure à celle d'avant la crise, que la balance du commerce extérieur ne s'améliore pas malgré la baisse du prix pétrole, que l'emploi est toujours en baisse ? Il n'y a pas de quoi pavoiser !

M. Bruno Sido. Vous y avez participé vous aussi !

M. Thierry Foucaud. C'est vous qui y avez participé !

Quand on gèle pendant sept ans d'affilée le point d'indice de la fonction publique, …

MM. Bruno Sido et Éric Doligé. Arrêtez de nous regarder !

M. Hubert Falco. Adressez-vous plutôt à vos partenaires !

M. Bruno Sido. Regardez vos amis !

M. Thierry Foucaud. … quand d'aucuns proposent recul social sur recul social, quand on remet en cause l'âge de départ à la retraite, la réduction du temps de travail et la prise en charge des dépenses de maladie, quand on laisse partir sans exercer de contrôle 18 milliards d'euros au titre du CICE et 5,5 milliards d'euros de crédit d'impôt recherche, alors même que 5,8 millions de personnes sont privées d'emploi, dont une masse de plus en plus importante de jeunes diplômés, il ne faut pas faire mine de s'étonner !

La majorité sénatoriale a porté des propositions qui semblent particulièrement éloignées des préoccupations des Français, M. Dallier vient d'ailleurs de les rappeler à l'instant.

En première partie, on a fait pleuvoir les cadeaux fiscaux sur les catégories les plus privilégiées, en réduisant, par exemple, de 500 millions d'euros le produit de l'impôt de solidarité sur la fortune, en accordant une baisse d'impôt sur le revenu aux couches – surtout ! – supérieures, en accroissant encore les abattements sur les plus-values financières et immobilières, et j'en passe...

Comme le tout commençait à faire un peu cher, il a fallu réaliser des économies en seconde partie.

Dès lors, on a crié haro sur les fonctionnaires et ponctionné 5 milliards d'euros – rien que cela ! – sur le dos des agents du secteur public ! Les hommages aux policiers, aux infirmiers, aux secouristes, aux soldats ont vite été oubliés. Gel du point d'indice, des promotions, de la reconnaissance des qualités professionnelles et de l'expérience, non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, application d'un délai de carence de trois jours en cas d'arrêt maladie, augmentation du temps de travail sans rémunération complémentaire : tout y est passé !

M. Philippe Bas. Dites-nous ce qu'il faut faire !

M. Thierry Foucaud. Vous l'aurez compris, mes chers collègues, nous voterons sans hésiter contre le projet de loi de finances pour 2016, trop soumis, selon nous, aux grands intérêts privés, nationaux et internationaux.

Billet original sur Senat Groupe CRC