Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

« Nous devons à nos enfants plus qu'un monde libéré du terrorisme », vient de déclarer, avec raison, le Président de la République. Plus qu'une phrase, c'est un engagement auquel nous souscrivons. Il nous faut alors passer aux actes, en particulier en faveur de notre jeunesse, et l'aider à se construire un autre avenir.

Depuis 2012, des engagements ont été pris, des annonces ont été faites. Les attentes sont fortes pour voir toutes ces promesses se réaliser enfin.

Aussi, il est urgent de nous engager réellement aux côtés de toute notre jeunesse, en nous délivrant du carcan du pacte de stabilité et de croissance, qui brise son quotidien et ses rêves.

Associé au « pacte de sécurité », il nous faut engager un « pacte de solidarité » n'oubliant personne. Il s'agira d'investir dans les services publics de l'éducation, mais aussi dans la formation professionnelle et la défense de l'emploi. Il nous faut tout autant investir dans les politiques publiques d'accès aux transports, au logement, aux soins, à la culture, à toutes les découvertes du monde.

Il est urgent de développer la citoyenneté de tous, de renforcer l'esprit critique, l'engagement de chacun dans une République laïque et fraternelle, où tous seront respectés.

On le sait, la jeunesse a été au premier rang des victimes frappées par les actes barbares que nous venons de subir. Elle doit réellement devenir notre priorité d'aujourd'hui et de demain !

Aussi, monsieur le Premier ministre, quelles politiques publiques comptez-vous mettre en œuvre pour que toute la jeunesse, sans aucune discrimination, ni stigmatisation, puisse redonner sens à sa vie, reprendre confiance et renouer, enfin, avec l'espoir d'un avenir meilleur ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous tenez des propos parfaitement justes, monsieur Favier, lorsque vous évoquez, de manière générale, la nécessité de faire de l'éducation une priorité, de s'engager en faveur de la formation, de donner un avenir à la jeunesse au travers de l'école, de l'accès à l'emploi, de la culture, des loisirs. En un mot, de donner du sens, tout simplement, à la notion d'engagement !

Il existe une demande très forte d'engagement de la part de la jeunesse, cette jeunesse qui, précisément – c'est probablement ce qui motive votre question –, a été visée par les terroristes. Ces derniers s'en sont pris à son mode de vie, à son envie de s'amuser, de partager un spectacle ou un moment de convivialité, à son souhait de pouvoir vivre librement. Le terrorisme s'attaque à la France parce que nous sommes un peuple libre et que la jeunesse française veut vivre dans la liberté, et avec exigence !

Pour vous répondre le plus franchement possible, oui, monsieur le sénateur, bien sûr, il ne faut faire aucun amalgame. Toutefois, j'ai dans la tête les mots d'un jeune garçon, que j'ai rencontré deux jours après les attentats. Il avait reçu une balle dans le bras et avait vu son ami mourir sur la terrasse du restaurant où ils se trouvaient. Il m'a dit : « Arrêtez avec les discours sur les amalgames. Nous, nous n'en faisons pas ! »

Pour ma part, je réitère les propos que j'ai tenus, hier, à l'Assemblée nationale : nous avons des priorités à traiter pour le bien de notre jeunesse, vous avez raison de le souligner, mais ce n'est parce qu'il y aurait des difficultés dans nos quartiers populaires et que notre jeunesse n'aurait pas d'avenir – ce n'est évidemment pas ce que vous avez dit – que l'on pourrait trouver la moindre excuse ou justification aux événements survenus. Ou alors, cela signifierait qu'un jeune en difficulté, ayant connu l'échec scolaire, un jeune d'origine étrangère, de confession ou de culture musulmane, voire ayant été converti – il ne faut pas oublier le poids de l'islamisme et du salafisme dans les quartiers – se radicaliserait automatiquement, du fait de ces difficultés ?

Non ! Il faut bien sûr mener une lutte implacable contre la radicalisation, mais, je vous le dis, mesdames, messieurs les sénateurs, j'en ai assez de ceux qui cherchent en permanence des excuses et des explications culturelles ou sociologiques aux événements qui se sont produits ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Bien entendu, notre priorité doit aller à la jeunesse, et c'est la préoccupation du Gouvernement. Toutefois, il ne faut rien excuser, et aucun d'entre nous, ici, ne fait le moindre amalgame !

Dans le même temps, nous estimons qu'il appartient à l'islam de France de se lever et d'affirmer que l'islamisme et le salafisme doivent être combattus (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.), par les armes, bien sûr dans le cadre de l'État de droit, mais également sur les plans théologique, idéologique et culturel.

Donc, oui, monsieur le sénateur, priorité à la jeunesse, mais aussi, aujourd'hui, priorité à cette démarche qui vise à remettre, partout, la République debout ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour la réplique.

M. Christian Favier. J'espère que vos propos ne s'adressaient pas à nous, monsieur le Premier ministre. Il est très clair dans notre esprit qu'il faut combattre le terrorisme et Daech jusqu'au bout. Sous cet angle, ma question ne concernait évidemment pas les seuls problèmes qui peuvent être rencontrés dans les quartiers populaires.

J'évoquais la jeunesse, toute la jeunesse de France qui, aujourd'hui, a effectivement besoin d'une politique plus ambitieuse et qui ne se réduise pas à une simple démarche comptable pour reprendre espoir. Nous voulons mobiliser cette jeunesse, certes pour qu'elle participe à la lutte contre le terrorisme, mais aussi pour qu'elle puisse construire son avenir, ici, dans notre pays, et qu'elle puisse défendre les valeurs de la République.

Billet original sur Senat Groupe CRC