Au terme de la discussion de cette partie recettes de la loi de finances pour 2016, un sentiment un peu particulier nous traverse l'esprit.

Alors même que les Françaises et les Français sont de plus en plus préoccupés par les tensions internationales et leurs manifestations violentes dans notre pays, alors même que l'avenir est encore objet d'incertitude, que des millions de jeunes et de travailleurs demeurent privés d'emploi et de perspectives, la majorité du Sénat a décidé de voter un plan d'économie qui confirme, s'il en était besoin, qu'elle choisit le renforcement de l'austérité.

La première partie de la loi de finances, telle qu'elle nous est parvenue du débat au Palais Bourbon ne nous satisfait pas, mais la petite loi qui sort de nos débats dégrade encore plus les moyens de nos services publics.

Notre premier débat a porté sur l'impôt sur le revenu.

Vous avez décidé de baisser le taux appliqué à la troisième tranche, considérant que ce sont les classes moyennes qui bénéficieraient de cette modification.

Vous avez oublié de préciser que pour un jeune cadre dynamique déclarant 30 000 euros nets de revenu annuel, le gain fiscal serait de 64 euros, tandis qu'un cadre à la carrière finissante déclarant 100 000 euros annuels nets aura, pour son compte, un bonus de 900 euros.

Et vous surfez ainsi sur la méconnaissance du grand public sur le fonctionnement de notre mode de calcul progressif de l'impôt sur le revenu.

Quand on abaisse la tranche intermédiaire de l'impôt sur les revenus (une tranche bien trop large), comme nous l'avons rappelé, ceux qui ont un revenu qui dépasse la borne supérieure de ladite tranche, et ceux qui sont dans les tranches supérieures sont ceux qui en profitent le plus.

A l'inverse, nous vous avons proposé une plus grande progressivité avec des tranches moins larges pour que chacun contribue selon ses capacités à alimenter les ressources du budget national pour mettre en place les services publics.

Vous avez également voté d'accroître une fois encore, les cadeaux fiscaux à l'endroit des détenteurs de patrimoines et de capitaux.

Il en est ainsi à l'article 2 ter A qui prévoit, une nouveauté dans notre droit fiscal, la double imputation de l'inflation sur la valeur d'un bien ayant permis, lors de sa cession, de dégager une plus-value.

L'érosion monétaire est en effet venue s'ajouter au bénéfice de l'abattement lié à la durée de détention alors qu'a priori, elle la prend en compte justement).

C'est avec ce genre de mesures, mes chers collègues, que l'on consolide non les fonds propres de nos entreprises ou la qualité de notre parc immobilier, mais bien plutôt les inégalités sociales.

Il nous semble indispensable d'engager un débat sur la participation de l'impôt à l'intérêt commun et ceux qui le supporte. Notre débat a montré que l'on ne peut s'en tenir à l'impôt sur le revenu pour mesurer le poids supporté par chaque foyer, la TVA étant devenue une part importante de contribution des plus modestes au budget général.
Nous devons par contre nous interroger sur ce qu'est devenu l'impôt sur les sociétés qui ne représente plus que 33 milliards dans le budget de l'Etat en même temps que les entreprises vont bénéficier d'un CICE toujours plus lourd dans le budget de la Nation et sans efficacité pour l'emploi et l'attractivité économique.

Quant à la nouvelle ponction sur les collectivités locales de 3, 7 milliards, nous avons maintenant la capacité d'en apprécier les conséquences sur le terrain.
En ces journées troublées, où une nouvelle demande d'intervention publique est à l'ordre du jour, vous continuez à impacter les capacités financières des collectivités à agir sur le terrain.

Au-delà de l'action de l'Etat pour la protection des populations, l'intervention publique est nécessaire en bien des domaines, et notamment en matière d'éducation, de prévention de la délinquance, de justice, d'action sociale, de logement, de sport, de vie associative.
Nos collectivités ont perdu en capacité d'intervention et la diminution de leurs achats, comme de leurs investissements, pèsent lourdement sur la vie économique, sur l'emploi.
Nous avons, en présentant nos amendements, fait apparaître la nécessité de renforcer les moyens de la puissance publique pour agir et intervenir auprès des populations, en lien avec l'action de collectivités territoriales respectées.

Si les amendements de la majorité sénatoriale ont conduit à la détérioration du solde budgétaire, en attendant peut-être de ponctionner les dépenses, nos propositions avaient probablement l'avantage de le modifier dans le bon sens.

Nous ne voterons pas cette première partie de la loi de finances.

Billet original sur Senat Groupe CRC