Une vue de l'intérieur, par ceux qui doivent gérer la demi-pension (entre autres choses) au quotidien et pour qui cette reforme représente d'abord plus de travail. Tout simplement légitime.

"Depuis que les lycées sont passés sous l’autorité fonctionnelle des régions avec la décentralisation (et les collèges aux départements), la Région IDF a d’abord décidé il y a 15 ans environ la gratuité des manuels scolaires, idée généreuse et progressiste certes mais dont les modalités de gestion ont été totalement transférées sur les services financiers des lycées : achat, distribution en début d’année, restitution en fin d’année, gestion des pertes ou dégradations de manuels etc. Tout cela sans aucun moyen humain dévolu aux lycées : à Rosa Parks par exemple c’est environ 15 à 16 000 manuels à gérer, par la Vie scolaire ou l’Intendance. La région a créé quelques postes chez elle pour cette nouvelle mission … mais aucun en établissement…

Quelques années plus tard, la Région IDF a suggéré de gérer les aides sociales à la demi-pension par le système du QF : cela supposait alors de demander aux familles une série de justificatifs de leurs revenus et de leur situation familiale. Les assistantes sociales (personnels d’Etat) se sont désengagées de cette mission (on appréciera la logique !) et ce travail a donc atterri … sur les bureaux des Intendants !! Je considère pour ma part que nous ne sommes pas habilités à étudier les situations sociales des familles, cela n’entre pas dans notre champ de compétence et les chefs d’établissement sont aussi sur cette position de principe. Mais l’Intendance n’est plus ce que je l’ai connue à ses débuts en terme de solidarité et de défense de nos conditions de travail : la plupart de mes collègues ont accepté de traiter les dossiers au QF et nous ne sommes que deux en Essonne, moi-même et la collègue d’Athis, à avoir refusé ce travail !

Je précise en outre que j’ai démontré en Conseil d’Administration que le système du QF n’était pas forcément favorable aux familles : ce dernier permet en effet d’aider plus de familles mais en proportion moindre puisqu’au maximum le barème régional permet de verser 214 € / an, alors que les frais de DP tournent à 450 € /an. Un saupoudrage, au final, sur plus de familles mais où les familles les plus nécessiteuses ne sont prises en charge qu’à moitié. Au lycée Rosa Parks, nous accordons les aides à la DP au cas par cas, avec étude de dossier dans le cadre d’une Commission et il n’est pas rare que nous prenions en charge la totalité de la DP sur l’année : ce système me semble, et a semblé au CA, beaucoup plus juste.

Et voilà que la Région impose maintenant le calcul des frais de DP au QF : à Rosa Parks, j’ai une seule collègue dans mon service qui gère les 2 100 élèves DP (environ 860 000 € de recouvrement par an) et les quelques 300 boursiers !! Plus les aides sociales décrites ci-dessus ! C'est-à-dire qu’il va falloir pour chaque élève demander les avis d’imposition, la copie du livret de famille etc. … sincèrement je n’imagine même pas comment nous allons faire. Alors me direz-vous, pourquoi ne pas y mettre ½ personne en plus ? Parce que dans le même temps le Rectorat vient de mettre au point une réforme de la carte comptable des établissements sur l’académie : le Secrétaire Général voulait des groupements comptables de 8, nous avons réussi à imposer des groupements de 6 en moyenne (+ ou – 1 selon la taille des établissements). Pour avoir participé à tous les groupes de travail au Rectorat de Versailles, en qualité de commissaire paritaire FSU, la bataille fut rude !

Au final, dans les deux années à venir, je vais donc « récupérer » un établissement de plus (le Collège H. Wallon de Vigneux) et passer ainsi de 4 à 5 établissements … le tout bien entendu sans moyen supplémentaire. Tout cela pour dire que je ne « sens » pas du tout cette réforme du QF car je ne sais pas avec quel temps nous allons pouvoir étudier 2 500 dossiers !!! Les régions lancent certes de belles idées mais celles-ci ne s’accompagnent d’aucun moyen en poste : les nouvelles missions sont purement et simplement transférées sur les établissements scolaires et cela, si je puis me permettre, c’est facile ! Et ce d’autant que nous sommes réputés, dans les services d’Intendance, pour être des gens sérieux, dévoués et soucieux d’un service public de qualité."